Visite de la DMZ
- Petite Histoire subjective Nord/Sud
En Corée, on parle parfois un peu de l'autre Corée,
celle qui n'est qu'à une heure de Séoul. Sujet tragique
qui commence à diviser l'opinion: si tous regrettent la
division de la Corée, certains commencent à craindre
une éventuelle réunification qui coûterait
trop cher à la Corée du Sud, traumatisée
par la crise qui brisa son rêve de dragon asiatique. Blessure
non cicatrisée, la DMZ imprime dans le sol coréen
l'aberration des conflits du XXème siècle. La DMZ
est la zone franche qui coupe le pays en deux, sans doute le no
man's land le plus surveillé de la planète et qui
est devenu, par la force des choses, un paradis écologique.
Si l'on peut la visiter, on ne peut y aller tout seul. L'armée
américaine organise des tours, certains en compagnie d'un
transfuge qui peut vous raconter sa vie de l'autre côté.
Sinon quelques agences coréennes organisent des visites.
Possibilités d'emploi du temps restreintes, nous avons
choisi un tour d'une demi-journée. Rendez-vous pris par
téléphone pour le lendemain où nous nous
retrouvons sur le trottoir devant un grand hôtel sans trop
savoir où l'on va ni comment ça va se passer. Un
minibus passe nous chercher et nous partons en compagnie d'un
couple d'américain plus occupé par leur jeune marmot
que par la visite et de deux français tout justes arrivés
en Corée. La militarisation de la zone est très
progressive, c'est d'abord un fleuve que nous longeons et qui
est entouré de barbelés et de mirador: certains
fuyaient en nageant le long du fleuve qui nait en Corée
du Nord et rejoint la mer en Corée du Sud. La géographie
ignore vraiment les impératifs politiques!
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Les voitures se font rares sur
cette large quatres voies, il faut dire que c'est une voie sans
issue. A l'autre bout, il n'y a qu'une frontière étanche
étroitement gardé. Les miradors sont omniprésents,
on croise un groupe de militaires en vraie tenue de camouflage,
le casque couvert de banchages. On nous demande de ne pas prendre
de photos. On pourra en prendre plus loin, dans les lieux indiqués.
En cas de non-respect de la consigne, c'est confiscation de l'appareil.
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On arrive au pont de la Liberté.
jusqu'en 1998, c'était le seul entre les deux Corées,
il servit notemment en 1953, à l'échange des prisonniers.
13 000 Coréens purent ainsi rentrer chez eux en criant "Vive
la liberté!" (d'où le nom du pont). Aujourd'hui,
les touristes coréenns ou étrangers peuvent laisser
un petit ruban de papier jaune avec un souhait. A côté
du pont, un autre s'est construit: depuis les réchauffements
entre les deux Corée, une voie ferrée est en construction.
A terme (?) elle permettra de rejoindre Pyongyang, la capitale de
la Corée du Nord, il sera ensuite théoriquement possible
de continuer le périple. L'un des 3 trains quotidiens passe
en klaxonnant, vide de passagers, il circule quand même... |
En attendant qu'il soit enfin possible de rejoindre
la Corée du Sud par voie terrestre (voir la carte), il faut
se contenter de s'arrêter dans la gare la plus surréaliste
qu'il soit: Dorasan! Située juste avant la DMZ, cette gare
est magnifique, construite par le même architecte français
qui a déjà construit l'aéroport sur un site où
une impératrice des temps jadis aimait séjourner. Tout
est prêt, ne manque...que les passagers... |
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En effet, a part quelques soldats et le personnel de
la gare, nous sommes les seuls dans ce batiment flambant neuf. Le
guichet, bien que désert, est ouvert, nous pourrons y faire
tamponner nos passeports, les ornant ainsi d'une colombe optimiste,
mais personne n'achète de billet. Les fauteuils devant l'immense
écran de télé sont vides, le vendeur de boisson
et de mandu se tourne les pouces.... |
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Notre première destination fut le 3ème
tunnel, tout aussi absurde que cette gare au milieu de nulle part.Ce tunnel
fut découvert en 1978. Creusé par les Coréens du
Nord, sous la DMZ, il mesure 1,6 km et devait permettre à l'armée
de pénétrer au Sud. Séoul n'étant qu'à
une cinquantaine de kilomètres de la DMZ, l'entreprise n'est pas
aussi saugrenue qu'il parait. On a déjà découvert
4 tunnels et l'armée pense qu'il y en a d'autres encore inconnus.
Ils sont tous orientés en direction de Séoul, ce qui laisse
peu de doute sur les intentions de l'armée. Aussi, la peinture
noire imitant le charbon dont les soldats nords-coréens ont couvert
les parois du tunnel pour prétendre mener des activités
minières tourne à la farce. "Envahir la Corée
du Sud, ah non, nous on cherchait du charbon...Ah bon? On est passé
sous la DMZ, roooooo, comment les ingénieurs ont pu faire une telle
bourde!" Pour le visiter, avoir avoir laissé effets personnels
dont appareil-photo dans des casiers, on nous muni d'un casque de chantier
et on nous fait descendre un long pan incliné de 300 m. Au bout
se trouve, un peu éclairé ce fameux troisième tunnel.
On se cogne la tête pendant tout le trajet mais les pancartes dénonçant
toutes les traîtrises de l'ennemi montre bien qu'une s'agit encore
d'un lieu de propagagne. On n'est pas encore dans le lieu historique,
on est bien en terrain militaire. Au bout du tunnel, une porte fermée,
du béton, des barbelés, on ne passe pas, et dire qu'à
l'autre bout, à quelques dizaines de mètres...la Corée
du Nord.La propagande continue à travers un rapide film et une
expo qui insiste sur le paradis écologique qu'est devenu la DMZ
(voir à ce sujet ce
site)
La Corée du Nord, on l'aperçoit
à l'observatoire de Dora. Des jumelles payantes offrent aux
visiteurs la possibilité de regarder le Propanga Village.
Une fausse ville de Corée du Nord, une ville de façades
où il semblerait que personne ne vive vraiment. Des batiments
blancs dont il parait qu'on allume les lumières le soir pour
faire croire que des habitants la peuplent. Cette ville-fantôme
possède une petite tour Eiffel à laquelle est accroché
un drapeau de...300 kg, plus gros que son collègue sud-coréen.
Un peu plus loin, on peut apercevoir un véritable village,
moins reluisant. Etrange sentiment de se savoir si proche et pourtant
si loin: rien ne nous permet de suivre les quelques kilomètres
du chemin qui va vers ces villages.. |
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Seuls quelques camions sont autorisés
à passer, ils apportent du riz offert par le gouvernement
sud-coréen pour essayer de remédier à la famine
et des matériaux de construction pour le train. Ils reviennent
avec du sable, histoire que l'autre côté ne perde pas
la face... Interdiction de prendre des photos de cette partie du
paysage, une ligne jaune délimite le périmètre
autorisé pour les photos. Derrière le mur aux couleurs
de camouflage, on découvre un bande de terre sauvage, un
ruban brun, la route et Panmujeon, le village de l'Armistice. Nous
n'avons pas eu le droit de le visiter. Le village, installé
sur la ligne de cessez-le-feu, est le lieu des pourparlers entre
les deux Corées sous l'égide de l'ONU |
Les consignes sont très strictes, il faut
faire la demande de visite une semaine avant, signer une décharge
en cas de "blessure liée à une action ennemie",
se conformer à des codes vestimentaires stricts (pas de jeans,
de baskets, de manches courtes, de T-shirts avec des inscriptions...)
et s'engager à ne pas faire des coucous et des commentaires
aux soldats nord-coréens. De doute façon, on a rarement
envie de plaisanter quand on est dans la DMZ, juste une grande lassitude
devant tant de bétises et d'horreurs.
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L'horreur est partout, dans les soldats morts dans les
incidents de la DMZ et dans le déchirement de nombreuses familles
coréennes, divisées par cette frontière. Pour Chuseok,
ou tout autre fête où le culte aux ancêtres doit être
rendu, les familles sud-coréennes se retrouvent dans le parc d'Imjingak,
pour faire la cérémonie. C'est le lieu où l'on peut
aussi prier pour le père, la mère, le fils qui est de l'autre
côté, dont on ne sait pas même s'il est toujours en
vie...
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Pas loin du village fantôme
nord-coréen, son pendant côté sud, Daesong,
est une localité étrange, ses habitants ne payent
pas d'impôt, chaque maison est équipée et accompagné
de 7 hectares de terre. Seul bémol: un couvre-feu à
23h, cultiver le riz sous la protection des mitraillettes et être
en première ligne en cas d'attaque du Nord...Nous y verrons
une usine de pâte de soja, l'occasion de rencontrer quelques
ajumas en train de préparer le kimchi. Elles nous ont donné
des échantillons à goûter, miam, c'est dommage
de le faire fermenter! |
Une drôle de visite donc, dans une zone
peuplée de militaires et de panneaux désignant les
champs de mine. L'autre Corée est là, à quelques
pas, l'ambiance est tendue même si entre zone écolo
et train en construction, on essaie de nous dire que l'avenir de
la DMZ est rose... |
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Comme il a été difficile de prendre des photos, je me suis
permise d'en emprunter quelques-unes sur les sites de l'Office
du Tourisme coréen. |